«Je préfèrerais connaître trois cents mots et qu'ils me suffisent pour
vivre. Ne pas avoir besoin d'autres mots. Car, au bout du compte,
la langue, c'est quoi ? Un esclavage dont on ne s'affranchit pas...»
fait dire, dans l'un de ses récits, Thanassis Valtinos à l'un de ses
personnages. Ainsi doit s'expliquer pour partie le ton très direct, dru,
ce style sans drapé ni fioritures qui le distinguent d'un grand nombre
de ses contemporains. C'est que la force et l'efficacité de cette écriture
sont ici proportionnelles à son économie, à son dépouillement, à sa
précision. Pour l'auteur, il s'agit seulement, au fil d'une conversation
avec une étudiante venue l'interroger sur la genèse d'un de ses livres,
de cerner la vérité d'aussi près que possible, de la nommer quelquefois.
En restant par là fidèle à la perception que chacun peut avoir, au
sortir de l'enfance ou longtemps après elle, du paradis et de l'enfer
que ressuscite le souvenir de ces années-là : celles des premières
lectures, des premières expériences érotiques, des premières tentatives
littéraires, bref le creuset d'un certain nombre de premières fois
appelées à conditionner pour chacun, on le sait, la plupart des fois
suivantes. Dans l'ombre, ici, d'une guerre civile qui aura laissé des
traces indélébiles sur la trajectoire d'une vie et l'histoire d'un pays.