La philosophie peut-elle garantir le bonheur ? Si la vie heureuse n'est pas affaire de circonstances et de chance, mais qu'elle dépend des hommes, les moralistes peuvent-ils l'enseigner ? Mais qu'ont-ils le pouvoir d'assurer, qu'ils ne peuvent pas également empêcher, en érigeant leurs préférences en règles et leurs manières en art de vivre ? De promesses en voeux pieux formulés par les maîtres, d'espoirs en désillusions nourris par leurs disciples, et c'est la philosophie tout entière qui, discréditée et suspecte, ne se remettrait pas de ces controverses interminables entre les différentes « écoles ».
Pour Sextus Empiricus, médecin se réclamant de la voie sceptique inaugurée par Pyrrhon d'Elis, le dogmatisme moral est non seulement futile, mais encore dangereux. Parce que le trouble vient de ce que l'on cherche à obtenir des biens ou à éviter des maux que l'on croit réels, il est impératif de suspendre son jugement quant à leur nature et même leur existence. Ce n'est qu'une fois opéré ce dessaisissement de la raison par elle-même, dans ses prétentions théoriques et pratiques, que pourront advenir, comme par inadvertance, la sérénité et la tranquillité de l'âme. En développant le projet, des Esquisses pyrrhoniennes, le Contre les moralistes met en oeuvre tous les moyens pour obtenir de son lecteur un renoncement véritable, afin que ce dernier ne s'accorde qu'à la loi des événements, et vive au bonheur de leur simple manifestation.