Corps cartésiens vient achever le vaste tableau offert par La physique métaphysique
de Descartes, et examine, avec la même acuité, la philosophie
cartésienne à travers le prisme de la science cartésienne : tantôt pour
accroître la netteté de contours déjà tracés - le statut des lois de la nature,
la réfutation de la physique aristotélicienne -, tantôt pour reprendre certaines
esquisses - les transformations de la méthode, Descartes et l'occasionnalisme
-, d'autres fois encore pour arracher au flou de l'arrière-plan le
visage d'un objecteur méconnu ou souligner le rapport qu'entretient Descartes
savant à la future communauté scientifique.
Mais le présent recueil nous invite aussi à adopter une perspective nouvelle
: on n'y traite pas seulement des corps en mouvement, mais d'un
corps sentant et agissant, uni à une âme, dont l'explicitation conceptuelle
est une aporie persistante du cartésianisme. L'interaction entre l'esprit et
le corps pourra être expliquée en trouvant dans les écrits philosophiques et
scientifiques de Descartes les éléments d'une réponse différente de celle
proposée à Élisabeth : car cette interaction est un paradigme pour toute
explication causale qui, ultimement, permet aussi de comprendre l'interaction
des corps physiques.
C'est finalement aussi une réflexion sur l'histoire de la philosophie, ses
méthodes et ses buts qui nous est proposée ici : la mise au jour de la pensée
cartésienne suppose l'examen minutieux des textes et de son rapport à des
héritages et à des interlocuteurs multiples qui en constituent ensemble
l'historicité. Elle exige aussi quelquefois que l'on se mette dans la peau de
Descartes, que l'on y prenne corps, pour qu'un dialogue - qui ne sera juste
et fécond qu'à cette condition - s'instaure enfin avec la philosophie analytique
et l'épistémologie contemporaine.
O. D.