La correspondance croisée de René
Daumal et Roger Gilbert-Lecomte, les
deux bâtisseurs et principales têtes chercheuses
du Grand Jeu (1928-1932), est un
document de premier ordre. Ces quelques
154 lettres échangées entre 1924 et 1933
- ici pour la première fois rassemblées,
publiées dans leur intégralité et richement
annotées - retracent au plus près l'évolution
des deux poètes, en leur amitié vive
jusqu'à la rupture. Automne 1927, Daumal
écrit à Lecomte : «tu me ressembles si peu
que ce qu'il y a de commun entre nous
ne peut être que sublime.» Aussi, des
premiers pas du Simplisme et ses expériences-limites
à la création du groupe
du Grand Jeu tenant tête au surréalisme
glouton, c'est bien coude à coude et contre
la Grosse Machine occidentale qu'ils vont
traverser les steppes de grand'peur, la
peur de la conscience claire, effroyablement
claire comme du soleil.
Mieux qu'un roman épistolaire ou de
formation, ce livre qui pourrait s'intituler
Les années d'apprentissage de Roger
Gilbert-Lecomte & René Daumal ne relève
d'aucun genre littéraire, mais tous y sont
pratiqués en les faisant sauter en éclats.