Aubigné n'a pu réaliser jusqu'au bout ce qu'il avait promis en 1616 aux lecteurs des Tragiques : l'édition de ses lettres, restées bien souvent sans date et sans destinataire. Il n'y livre rien d'intime, mais des réflexions, des postures, des émotions, des thèmes majeurs de son engagement dans les guerres successives, dans le mouvement des connaissances, le renouvellement des amitiés. Par les contacts qu'elles révèlent et même par ceux qu'elles taisent, ces lettres éclairent des vies individuelles et collectives. Loin du monument légué à la postérité, le chantier questionne sur la fragilité du genre même des lettres, sur ce moment pathétique où l'écrit échappe à celui qui l'a produit, n'arrive plus à se faire oeuvre et confronte le lecteur au chaos du réel.