La correspondance qu'ont échangée Karl Abraham et Sigmund Freud jusqu'à la mort du premier a paru dans cette même collection en 1969. Malheureusement, à l'époque, nous ne disposions que d'une édition partielle, les responsables de l'édition allemande ayant jugé nécessaire de «caviarder» certaines lettres ou certains passages de celles-ci. En outre, cette première publication était loin de satisfaire les légitimes attentes d'un lecteur exigeant.
Avec cette nouvelle édition d'une correspondance enfin complète, c'est véritablement un nouveau livre qui est proposé au lecteur.
L'année 1907, où commence cette Correspondance, est pour Freud une année capitale: elle marque la fin de son isolement, le début de ce qui allait devenir le mouvement psychanalytique. Abraham joue un rôle de premier plan au sein de ce mouvement dont la finalité est double: d'une part, propager la science psychanalytique déjà assurée de ses principes mais qui ne cesse de conquérir de nouveaux domaines - d'où l'importance des publications, de l'enseignement, de la création de sociétés locales; d'autre part, maintenir la cohésion du groupe tout en favorisant la recherche individuelle, dans un champ qui, plus que tout autre, exclut le critère du «bon sens». Tâche difficile, qui suppose plus d'une révision déchirante et à laquelle excelle Abraham, souvent plus lucide que Freud à reconnaître, chez un Jung ou un Rank, la déviation naissante.
Document historique de premier ordre, la Correspondance Freud - Abraham est aussi une discussion scientifique riche, précise, un dialogue psychanalytique, à la fois sérieux et enthousiaste, que suscite une occasion toujours renouvelée: un traitement en cours, une hypothèse théorique, un projet de revue ou même - mais, cette fois, Freud est réticent - un projet de film.
En Abraham, Freud sut d'emblée qu'il avait trouvé un disciple qui ne serait pas un fils - soumis ou rebelle - mais un maître à son tour.