«Dans l'Antiquité, la perception a joué un rôle majeur comme
soubassement de la réflexion philosophique parce qu'elle était, avant
le développement des sciences physiques et naturelles, le principal mode
de connaissance du monde. Au contraire, après la découverte de la
mécanique, l'époque classique a trouvé une source de savoir déductif
et constructif indépendant de tout exercice préalable de la perception :
le rationalisme cartésien peut étudier le fonctionnement supposé des
organes des sens sans préoccupation logique ou normative [...] ; le rôle
de la perception dans la problématique réflexive devient alors mineur,
même au sein de l'empirisme ou du criticisme. Enfin, le positivisme et
les progrès de la biologie redonnent aux problèmes perceptifs une
importance primordiale, parce qu'ils découvrent dans la perception,
humaine aussi bien qu'animale, une activité fonctionnelle, vivant rapport
entre l'organisme et le milieu ; [...] la perception redevient ainsi, à
l'époque moderne et contemporaine, un principe d'intelligibilité, non
plus comme source de paradigmes logiques et critère de la connaissance
vraie, mais comme point de départ d'une théorie des rapports
entre l'organisme et le milieu.»