Unanimement méprisé mais largement lu dans toute sorte de publications, le fait divers passionnel méritait une analyse. Il fournit une image sans aucun doute caricaturale, mais tout à fait éclairante, des représentations sociales actuelles de la famille, du couple, et de la hiérarchie entre les sexes, dans leur complexité même et à travers des exemples d'autant plus parlants qu'ils sont extrêmes. Il est symptomatique de ce qui apparaît comme normal ou déviant, valorisé ou stigmatisé, dans la vie d'un couple ou dans le développement des relations amoureuses.
En filigrane, ces textes montrent surtout l'articulation difficile des modèles contradictoires qui traversent notre société : on y voit l'affrontement entre un modèle égalitaire de relations entre hommes et femmes, et un modèle inégalitaire, plus archaïque, projeté sur des «exclus» (marginaux, étrangers). S'ils s'accordent pour prôner le couple égalitaire, on y trouve néanmoins de nombreux indices latents de la profonde actualité du modèle inégalitaire, qui continue à faire référence. On peut même dire qu'il est le seul à connaître une définition en termes positifs.
Et pourtant, leur succès ne se dément pas...
Ces textes séduisent leurs lecteurs et lectrices justement dans la mesure où nous sommes tous pris, de façon profonde, dans ce conflit de modèles. Et le mépris dans lequel ils sont tenus témoigne sans doute de notre attachement honteux à l'inégalité et à la violence qui l'accompagne toujours, alors même que l'accès à l'égalité des sexes exige au plus haut point le renoncement à la satisfaction immédiate du désir, à la jouissance du rapport de forces, au nom d'une reconnaissance de l'altérité, c'est-à-dire de l'humanité de l'autre, à la fois semblable et différent.