Intensification des crises écologiques, percée des biotechnologies,
redéfinition des sexualités, perplexités nées des évolutions de
la pratique médicale et des nouveaux rapports au corps : la période
actuelle est riche en enjeux éthiques et politiques qui invitent
à interroger notre relation à la nature. L'idée première de ce livre
est que cette situation exige de redonner sa place à un vrai
moment naturaliste dans notre réflexion. La reconnaissance
d'une consistance et d'une productivité propres à la nature,
qui s'imposent encore à l'activité humaine au moment où elle
la dépasse, ne s'avère ni triviale ni superflue.
Trop attachés au modèle de l'arrachement de l'homme à la nature,
soucieux de contester les «naturalisations» idéologiques,
convaincus que le naturel est d'abord une construction historique,
sociologues et philosophes ne nous ont pas vraiment préparés à
affronter les problèmes issus d'une modernité en crise. Pourtant,
dans les marges de l'antinaturalisme «officiel», les concessions
et les à-côtés se sont progressivement accumulés. Çà et là,
au détour de l'argumentation, on a vu réémerger des corps
pulsionnels et vulnérables, des animaux qui nous ressemblent,
des ancrages dans la vie et des interactions avec le milieu qui
ne sont pas récusables, voire des perspectives de fraternisation
avec la nature prise comme un tout. Sans le vouloir, la théorie
sociale des dernières décennies a ainsi parfois joué le rôle
d'un filtre critique et d'une instance efficace de redécouverte
dont a besoin un naturalisme contemporain en quête de sobriété.