Croyance, langage et expérience
Incapable d'exprimer, au cours d'un rêve, la proposition « je crois en Dieu » dans la langue d'une population de Bornéo, les Penan, Rodney Needham entame une longue réflexion sur la croyance, qui vise à répondre à ce double questionnement : « La croyance est-elle une expérience ? », et plus largement, « la capacité de croire constitue-t-elle une ressemblance naturelle entre les hommes » ? Derrière cette interrogation, auquel il répond in fine par la négative, se profile une critique de l'usage irréfléchi du concept par les ethnologues, comme si les croyances de l'Autre allaient de soi. En s'appuyant sur Wittgenstein, Needham dissèque le concept, aussi bien à travers l'histoire lexicale du terme anglais « belief », intraduisible dans d'autres langues, que par l'examen d'écrits philosophiques qui, de Hume à Kant, n'ont pas conduit à une compréhension stable et convaincante de la notion, ou encore par une tentative poussée mais infructueuse de délimiter des critères de croyance. Convoquant un large éventail de disciplines, l'ouvrage est d'autant plus essentiel à l'anthropologie en ce qu'il contribue, au-delà de la question de la croyance, à une entreprise de contestation de l'idée d'une universalité a priori des modes et catégories de la pensée humaine, déjà mise en lumière par Lévy-Bruhl. Cette première traduction en français proposée par Pierre Clanché restitue, dans une langue très fluide, toute la dimension sémantique de ce texte d'une grande richesse.