Si les époques de haute tenue intellectuelle (le siècle de Périclès, la Renaissance, les Lumières) se reconnaissent à la vigueur avec laquelle elles débattent de ce qui est digne d'être étudié, la nôtre se distingue par la pauvreté de sa réflexion sur les contenus d'une culture qui instruit. Certes, le mot culture n'a jamais été autant employé, y compris dans les acceptions les plus surprenantes. Mais s'il en est venu à désigner tout et son contraire, n'est-ce pas l'indication, justement, que notre conception de l'éducation a atteint le point de confusion le plus extrême ? Intarissable sur les modalités psychologiques, sociologiques ou techniques de la communication pédagogique, notre temps semble abandonner à l'état de la culture, au sens anthropologique du terme, c'est-à-dire aux circonstances, le soin de décider de ce qui vaut d'être su. Réduisant finalement la culture de l'esprit à un processus d'acculturation rationalisé, l'éducation contemporaine n'en vient-elle pas alors, au rebours de ses proclamations de foi libertaires, à promouvoir le conformisme intellectuel et social le plus étriqué ?