De tout temps, l'errance a interpellé la société sédentaire.
Pauvre ou non, elle a toujours intrigué.
Cette plongée dans le monde étrange, D'ailleurs et de nulle
part, cherche à traquer la réalité au ras du sol. Qui sont donc
ces errants ? Leur réalité multiforme est envisagée ici depuis le
Moyen Âge. Hier, mendiants valides, vagabonds ; errants et migrants
à la recherche d'un travail ; gitans et «rouleurs» de toutes
sortes... Aujourd'hui, clochards et SDF ; étrangers sans papiers ;
Roms et gens du voyage ; routards... André Gueslin s'attache
au glissement sémantique qui va du vagabond à l'origine, au SDF
désormais, en essayant de scruter dans une véritable généalogie
leurs similarités et leurs différences au fil des siècles.
Dans une démarche d'histoire totale, toutes les facettes de
l'existence des errants pauvres - des hommes et des femmes
«sans» - sont présentées : comment vivent-ils ? Que font-ils ? En
quoi croient-ils ? La thématique de leur exclusion sociale est au
centre de ce livre. Ce monde d'altérité, censé refuser le travail
et donc démuni, suscite la compassion, mais aussi diverses peurs,
auxquelles répondent tout au long de l'Histoire ambiguïtés et
tâtonnements de la société dominante comme de l'État.
Pourtant, les représentations sont loin d'être uniformes. La
dimension baroque du trimard fascine de Villon à Kerouac, en
passant par la chanson, le théâtre, l'opéra et le cinéma. Voilà
s'affirmer le versant lumineux de la route. Sacré au début du
Moyen Âge, puis rapidement diabolisé, le qualificatif «vagabond»
revêt, dès le XXe siècle, une dimension précieuse de curiosité
intellectuelle.
André Gueslin, qui réussit le tour de force de mêler analyses
historiques, ethnosociologiques, psychologiques et littéraires,
retrace magistralement l'histoire de cette déambulation.