Jón Kalman Stefánsson
D'ailleurs, les poissons
n'ont pas de pieds
« Était-ce ce qu'il venait de vivre en mer, était-ce pour cette
raison qu'il ne voyait vraiment Margrét que maintenant ? Il
peinait tant à détacher d'elle son regard qu'il s'était entaillé
la main gauche avec le couteau. Une coupure profonde. Le
sang avait coloré la lame avant de goutter sur le poisson. Il
avait levé la tête vers Margrét. Ils s'étaient regardés droit dans
les yeux, le sang coulait, c'était septembre, les montagnes
parsemées d'entailles avaient blanchi en une nuit, le voile
de neige qui les couvrait était si léger qu'il ne parvenait pas
à adoucir les arêtes acérées et leur colère noire.«
À travers trois générations, le portrait d'une Islande sauvage,
âpre et nostalgique se dessine. On y croise Ari, éditeur exilé
au Danemark, et le douloureux souvenir de sa mère ; son
grand-père Oddur, capitaine courageux, mais aussi sa grand-mère Margrét, à la sensualité rare. Au croisement de la folie
et de l'érotisme, la plume de Jón Kalman Stefánsson nous
saisit, avec simplicité, de toute sa beauté.