En la penumbra, dernier roman de Juan Benet (il en a déjà une
douzaine à son actif), paraît en Espagne au printemps 1989. Le
succès est immédiat et l'accueil critique, unanimement chaleureux,
salue l'ouvrage comme une pièce maîtresse de l'art romanesque
espagnol contemporain.
Deux femmes parlent de la vie, de leur vie - argent, sexe,
amour, inceste, angoisse, espoir -, en attendant un mystérieux
messager qui doit venir refermer une très ancienne blessure
toujours douloureuse. Ce discours, sur lequel s'ouvre le livre,
allusif et sybillin dans un premier temps, s'éclaire progressivement
pour prendre toute sa signification au dernier chapitre.
La conversation est entrecoupée de séquences narratives
mettant en scène d'autres personnages et d'autres actions dont les
liens avec les deux femmes ne s'imposent pas d'emblée, d'autant
que l'ordre narratif des séquences ne respecte pas la chronologie
de l'histoire. Structure fragmentée - dont l'hétérogénéité trouve
un écho autant dans l'alternance des registres de langage et des
tons que dans le décalage entre les personnages et leur discours -
mais fortement cohérente, qui émerge peu à peu d'une pénombre
annoncée par le titre.