« L'enfer n'est pas pour les pécheurs, ce n'est pas une fantasmagorie où fourrer amis et ennemis, il est pour les victimes innocentes, l'enfer. Il ne brûle que des corps sans défense, innocents, inoffensifs. »
C'est le paradoxe sur lequel repose cette étonnante réécriture de l'Enfer de Dante. Désireux de retrouver dans l'au-delà son père et son frère, le narrateur devra traverser et revivre toute l'horreur du siècle écoulé, marqué par la violence et les totalitarismes meurtriers, où les victimes du nazisme occupent une place récurrente. Dans ce voyage qui est aussi, et surtout, un voyage à l'intérieur de lui-même - de ses rêves, de ses angoisses, de ses obsessions -, il aura pour guide bienveillant Sigmund Freud, qu'il considère comme « le véritable romancier de la bourgeoisie ». Et, dans une oeuvre foisonnante qui mêle les lieux et les époques, à travers des paysages inhospitaliers, des fleuves, des flammes, des villes et des camps, le narrateur parviendra au bout de son voyage dans l'« obscur royaume », pour une rencontre décisive avec un écrivain qu'il a particulièrement admiré, avant de se réconcilier enfin avec lui-même.
Mêlant les genres littéraires, les langues et les dialectes, prolongée par des commentaires qui éclairent et complètent cette plongée dans la mémoire collective et dans la culture universelle, cette oeuvre de Giorgio Pressburger secoue et dérange, et nous oblige, nous aussi, à regarder la Méduse en face.