Ses yeux brillaient. Elle
m'attendait à l'avance, l'air
avide, assise face à la porte
d'entrée du restaurant.
Quand je l'avais appelée
pour lui fixer rendez-vous,
elle m'avait coupé la
parole pour me demander :
«Demain ?» J'avais à
peine eu le temps de
bégayer «vendredi»
qu'elle s'écriait : «C'est
fantastique !» Elle était
jeune, je me sentais vieux,
elle avait cet enthousiasme
sans raison que, croyais-je,
je n'aurais jamais plus.
Nous retrouvons dans ce récit le narrateur
des Années vides, sorti de l'univers scolaire
et propulsé à l'âge d'homme. Confronté
au temps qui passe, laissant l'insouciance
de l'enfance plier sous le poids de la vie,
il avance malgré lui. Emmanuelle apparaît
à ses côtés aussi vite qu'elle disparaît. La
jeune fille représente le passage à l'âge
adulte et lui confère une position d'aîné
qu'il peine à investir. Il se cherche à travers
elle. Puis survient la mort du père, les
souvenirs et l'introspection s'imposent
au narrateur. Michka Assayas entraîne le
lecteur à ses côtés dans un texte intime
et ancré dans le réel, au plus proche des
sensations et des sentiments qui l'habitent.