La bourgeoisie se regroupe en général dans les beaux quartiers. Mais
une fraction d'entre elle goûte aussi la mixité sociale. Avocats,
consultants ou cadres supérieurs du privé viennent cohabiter avec des
ménages des classes populaires, dans des quartiers naguère inimaginables
pour eux. Sylvie Tissot a mené une enquête auprès de riches habitants
du South End à Boston, aussi prêts à vivre aux alentours de cités
d'habitat social qu'ils sont résolus à organiser très soigneusement cette
proximité. Favoriser les programmes de construction mixtes en
regardant de près la proportion de ménages à bas revenus ; participer à la
rénovation des parcs pour en contrôler ensuite l'accès ; fréquenter
assidûment les restaurants exotiques après avoir fait fermer les bars «mal
famés» ; s'afficher gayfriendly tout en contrôlant la visibilité des
homosexuels ; célébrer la bohême sans renoncer aux goûts culturels les
plus traditionnels : tout cela se fait au nom d'une «diversité» bien
ordonnée. Retraçant l'émergence d'un pouvoir local depuis les années
1960, ce livre montre que, sans annuler les inégalités, ces modes de
cohabitation viennent renouveler les formes et les stratégies de la
distinction sociale chez les élites urbaines.