Que se passe-t-il dans l'espace allemand durant la période
délicate qui s'étend de la Révolution française au Congrès
de Vienne ? C'est là, au centre de l'Europe, que surgissent
les orateurs romantiques. Mais peut-on alors parler de rupture
radicale avec les Lumières et de refondation de la modernité
européenne dans l'ordre du discours ?
Pour répondre à ces questions toujours d'actualité,
Christine de Gemeaux interroge les notions d'éloquence et de
médiation. Dans une démarche qu'elle applique à Kant, à Adam
Müller, grande figure du romantisme politique, mais aussi à des
acteurs moins connus de l'histoire culturelle et politique, tels
George Campbell des Lumières écossaises et Daniel Jenisch, de la
philosophie populaire allemande, elle analyse une évolution décisive :
le passage de la philosophie et de la rhétorique traditionnelles aux
sciences humaines et à l'éloquence moderne, autrement dit à la
communication.
Ce livre montre que «rupture» signifie ici «refondation» :
autour de 1800, la tradition oratoire, ressourcée à l'Antiquité,
réincante la parole et fait surgir l'espace public et ses acteurs :
les intellectuels. On y découvre Adam Müller, l'un des premiers
grands orateurs de la nation allemande, l'artisan, face à la France,
d'une dynamique intégratrice dans ce qui deviendra «l'espace
communicationnel» cher à Jürgen Habermas.