Jaurès oeuvres philosophiques II
De la Réalité du Monde sensible
Le 24 janvier 1910, dans son plus beau discours sur la laïcité, répondant aux interpellations de ses adversaires conservateurs et cléricaux, Jaurès déclarait à la tribune de la Chambre : « Voulez-vous me permettre de vous dire toute ma pensée ? Je vous la dis sans embarras : Je ne suis pas de ceux que le mot Dieu effraye. J'ai, il y a vingt ans, écrit sur la nature et Dieu et sur leurs rapports, et sur le sens religieux du monde et de la vie, un livre dont je ne désavoue pas une ligne, qui est resté la substance de ma pensée. Au risque de vous surprendre, je vous dirai que j'en ai fait il y a peu de temps une deuxième édition, et que je n'y ai fait aucun changement. »
Alors que Jaurès fait aujourd'hui l'objet des revendications politiques les plus contradictoires, quoi de mieux indiqué que de revenir au texte fondateur de son action, expression prophétique d'une interrogation intime et existentielle ?
Et de prendre la vraie mesure d'un penseur engagé qui, critiquant les prétentions de la science à tout réduire à la matière et bousculant la tradition philosophique depuis les présocratiques jusqu'aux post-kantiens, affirme la vérité du sensible, la réalité de l'espace et du temps et l'impossibilité de concevoir une pensée qui ne soit pas incarnée. Avec plusieurs décennies d'avance sur les phénoménologues du XXème siècle et l'ontologie heideggerienne.
« L'être est parce qu'il est ». Mais il est précédé et comme suscité par la vérité. Oeuvre théologique en pleine IIIème République, comme on ne l'avait plus osé depuis Malebranche et Leibniz, mais parfaitement argumentée, cela lui valut d'être écartée et ignorée. Un scandale philosophique.
Ce tome II des Oeuvres philosophiques de Jaurès est consacré à sa thèse de doctorat, De la Réalité du Monde sensible, précédée d'une introduction, « La Patrie invisible », et accompagnée d'un résumé de cours et d'un article contemporains : « De la connaissance humaine » et « Dieu ».