Qu'est-ce qui pèse, importe ? Je suis prudent, et viens aux
choses par euphémisme. Crains l'exagération. Sotto voce provoquant
la suppression de mots. N'aime guère commencer avec un
grand C, comme si je me situais au Commencement de la parole,
ou de quoi que ce soit ; ce qui peut aussi expliquer mon
aversion pour la marge gauche après le début d'un poème. Rétrospectivement,
j'ai simplement essayé de faire de mon mieux ;
le plus simple et immédiat, quand les mots sont assez forts, étant
la ponctuation. L'affaire consiste à capter la distance entre les
mots, que l'usage des signes corresponde le mieux possible à ce
qu'il y a à dire, à ce qu'il y a de dit, l'appareillage typographique
entrant lui-même dans la découverte et l'initiation de l'attention.
Larry Eigner naît le 7 août 1927. Suite à un accident de forceps
à la naissance, il est atteint d'infirmité motrice cérébrale.
Il passe les cinquante premières années de sa vie dans son village
natal, Swampscott, Massachusetts, entre forêt et océan. Il
investit la véranda de ses parents comme bureau d'écriture.
Son premier livre, From the Sustaining Air, publié par Robert
Creeley en 1953, est salué par William Carlos Williams : «Son
oreille est parfaite. Curieux comme, après lui, les oeuvres du
passé semblent démodées».
Nous proposons aujourd'hui une première traversée
chronologique des poèmes de Larry Eigner établie à partir de
ses Collected Poems, édités par Robert Grenier et Curtis Faville,
parus chez University of Stanford Press en 2010. Nous
avons autant que possible respecté leurs leçons et principes :
la fidélité aux tapuscrits et à la «calligraphie mécanique» de
l'auteur.