De l'Aktion T4 à l'Aktion 14f13
« Des vies sans valeur »
Officiellement, le « programme T4 » (Aktion T4) a été arrêté par l'Allemagne nazie
en août 1941 à la suite des protestations de l'évêque de Münster, Mgr von Galen.
C'est là, pour partie, une légende. Si l'Aktion T4 semble en effet avoir été stoppée,
c'est au premier chef parce que le quota fixé en octobre 1939 (20 % des aliénés)
avait été atteint. En réalité, ce programme s'est poursuivi discrètement dans un
pays où la santé publique, qui relevait du ministère de l'Intérieur, était une affaire
de police. De plus, dès le mois d'avril 1941, la T4 a été doublée par un autre
programme de mise à mort, l'Aktion 14f13, c'est-à-dire l'assassinat de détenus
malades extraits des camps de concentration. Ainsi, les médecins responsables
de la T4 ont-il continué à opérer à l'intérieur des Läger et à y sélectionner,
souvent au vu d'une simple fiche, des hommes et des femmes qu'ils envoyaient
sur-le-champ à la mort (généralement par le gaz) pour « inaptitude physique ».
Le programme d'élimination des « vies indignes d'être vécues » (la « mort par
compassion » dans la langue nazie) s'est donc poursuivi jusqu'en 1945 sous
des noms et des lieux différents. Ces programmes jumeaux étaient portés par
la même conviction d'un droit inégal à la vie. Mais aussi, en second lieu, par la
certitude qu'au nom de la nature, la société se doit d'encourager les forts et de
laisser mourir, voire de faire périr les faibles.
Intellectuellement, ces programmes sont étroitement liés au génocide des
Juifs, mais aussi au massacre par la faim d'une large partie des prisonniers
de guerre soviétiques. Ces politiques d'assassinat sont froidement
démographiques. Enracinées dans une vision biologique du monde, elles
disent l'essence radicalement antihumaniste du nazisme.