J'ai aimé la France le jour où ma préceptrice arménienne a
commencé à m'apprendre les premiers mots d'une langue,
le français, dont la musicalité allait me marquer à jamais. La
France, hélas, n'est plus le pays de l'art et de la musique, ni
celui de la liberté, de l'égalité, de la fraternité et des droits
de l'homme. Quelle tristesse que ces valeurs ne soient plus
bonnes qu'à être gravées sur le fronton des mairies !
Ce livre passe en revue les récentes vicissitudes d'un pays
empêtré dans un néonationalisme aux relents vichystes,
qui a remis au goût du jour des mythologies éculées faute
de projets d'avenir porteurs. La France y est regardée avec
les yeux d'une ancienne immigrée, qui a rêvé d'elle et qui a
par ailleurs beaucoup reçu d'elle, même si le prix payé n'a
pas été des moindres.
Ce n'est pourtant pas là un texte d'émotion, mais de
raison. C'est aussi parce que je suis profondément attachée
à ce pays que je déplore qu'il ait pris un mauvais virage.
J'aurais tant souhaité qu'il éveille encore de l'espoir chez
tous les Français sans exception ; chez les enfants d'immigrés
qui y font leur trou, mal, mais quand même ; chez les
étrangers en quête d'une vie meilleure.
Dans notre pays, on ne change les choses que par des
révolutions. Et le peuple français n'a pas tout à fait perdu
leur mémoire. La nouvelle révolution sera-t-elle celle d'une
France qui nous ressemble, à nous tous, citoyens ou résidents
du métissage ? Enfin tous français, sans distinction à l'ancienneté
ou à l'origine... Utopique, n'est-ce pas ?