De l'incommunication au miroir de la bande dessinée
La communication est difficile à penser. Car, si ça communique vraiment, que dire d'autre ? Ne convient-il pas, dès lors, de renverser la perspective, de penser d'abord en termes d'incommunication et de penser cette incommunication elle-même ? Voilà tout le projet de ce livre. Et s'il n'est pas le premier à s'intéresser à l'incommunication, il possède néanmoins l'indéniable originalité de travailler sur un terreau riche à la fois de toute sa fraîcheur et de sa profondeur, la bande dessinée. Non pour y plaquer une théorie, mais bien pour construire une réflexion sur l'incommunication à partir de la bande dessinée. Or, la bande dessinée permet non seulement de faciliter l'élaboration de cette théorie, mais également de la rendre incomparablement plus accessible.
On pourrait supposer que la bande dessinée est trop faible pour constituer un support suffisamment pertinent à une telle construction. Or, il n'en est rien. Car elle offre une pré-modélisation des actions, situations et personnages en les épurant, tout en conservant un haut niveau de complexité. Ce qui lui permet de mettre en scène avec une rare efficacité les mécanismes à l'oeuvre dans la relation interpersonnelle et singulièrement les logiques paradoxales qui sont à l'origine des situations d'incommunication si fréquentes dans la vie quotidienne. Grâce à elle la théorie possède maintenant une typologie affinée des cas d'incommunication et des procédures de leur conjuration. La bande dessinée nous invite également à comprendre comment des questions de société peuvent tout autant être travaillées par l'incommunication et pensées par sa théorie. Enfin, elle nous montre que les relations de pouvoir sont toutes pétries d'incommunication et que, là encore, la théorie se révèle des plus pertinentes.