Elle a été socratique, rhétorique ou tragique. On en a fait un trait d'esprit,
une forme de sarcasme ou de cynisme. On l'a dite douce ou mordante.
On lui a donné des vertus politiques (jusqu'aux sombres utilisations
berlusconiennes). Elle a revêtu l'ombre du sort avant de devenir une
posture mondaine.
Tout est ironique. Tout peut le devenir à peu de frais. Tel livre, tel film,
telle oeuvre d'art, tel (bon) mot entouré d'oeillades appuyées, tel rictus
contenu mais tremblant à la commissure des lèvres, tout devient, ou
est devenu ironie. C'est la posture de l'époque, l'estampillage facile qui
désigne les nouvelles futilités du sens, l'alibi ou le vernis culturel d'une
vacuité bientôt revendiquée.
Souvenons-nous de Socrate, premier écart d'une pensée qui déroute nos
certitudes... Mais Platon veillait au grain et la philosophie a vite oublié
cette forme de complexité. Dès lors le malentendu s'est installé... pour
longtemps.
Ces avatars historiques et philosophiques n'ont pourtant pas épuisé toute
l'énergie de l'ironie. L'ambition de ce livre est de retracer l'aventure
philosophique de ce concept en reconsidérant ses enjeux critiques à partir
de traits essentiels : l'invention d'un retard, un esprit de déplacement et
de claudication, une certaine idée de l'écart et de la modernité, une
inconciliation.
L'auteur porte ici le débat esthétique sur les images et le cinéma. En
confrontant la dynamique ironique à la question du remake, il étend la
critique aux industries culturelles. Contre les programmations du regard,
l'ironie ouvre un chemin critique, à l'écart des habitudes.