Ange Politien, fin lettré de la cour des Médicis, a composé une oeuvre poétique en italien et en latin, au sein de laquelle le long poème intitulé Sylva in scabiem (De l'ulcération) apparaît comme un objet littéraire d'une grande étrangeté. Texte disparu puis retrouvé au milieu du XXe siècle, parmi les dossiers de Pic de la Mirandole conservés à Parme, ce livre est traduit en français pour la première fois. Quel est le mal mystérieux qui ronge ce jeune homme, et dont il dépeint les ravages avec une extrême précision ? Maladie du corps ou de l'esprit, ou les deux à la fois ? Les hypothèses ont fleuri : la gale, la mélancolie, ou encore la peste, ou la syphilis. Peut-être Politien s'est-il livré à un simple divertissement littéraire, nourri de mythologie et de littérature antique, comme on peut imaginer qu'en écrivaient les poètes de la petite Académie platonicienne réunie avec Marsile Ficin à Careggi, autour de Laurent de Médicis ? Ou encore, souffrant d'une période de disgrâce, essaie-t-il de séduire Laurent, par la démonstration d'une virtuosité érudite ? Quoi qu'il en soit, ce poème constitue un document exceptionnel sur les relations entre prince et poète au début de la Renaissance. Et ce n'est pas le moindre charme de ce texte que la virtualité presque infinie de sens qu'il propose, sous-tendue par la richesse de ses images et la complexité de sa composition.