Quel peut être cet « ignoble plaisir », ce « vice infâme », « ce crime abominable entre tous », qui ne saurait être sanctionné que par la décapitation, le gibet, le bûcher, exigeant au préalable torture par le feu, flagellation et autres sévices - crime que dénonce avec tant de fureur sacrée le R.-P, Sinistrari d'Amené, dans son traité De Sodomia, publié à Rome en 1754 ?
Son nom, venu du texte biblique, est Sodomie, ou plutôt les Sodomies, vu la part belle faite à la femme et au tribadisme, avec force clitoris ou olisbos et moult pointilleux détail. Le prélat met ainsi en pleine lumière, nolens volens, le rôle de la sexualité, plus précisément de la sexualité anale, plus précisément de l'anus, dans une vision théologique et religieuse de l'homme sur laquelle plane l'ombre de Satan
Ce lien entre Satan et libido anale, Roger Dadoun l'explore méthodiquement - pour y apporter une riposte décisive - dans ses Utopies sodomitiques, savant essai où s'entrecroisent les roses et noires diagonales de l'Anal : un Luther, accroupi sur les latrines du monastère de Wittenberg, hallucinant la Réforme à venir, un Jérôme Bosch ourdissant un Royaume millénaire où le Diable avale les humains pour les chier comme des étrons, un Dante, un Sade, les hordes nazies faisant d'Auschwitz « l'anus du monde », mais aussi les exquis Sonnets luxurieux de l'Arétin, Fourier et son Nouveau monde amoureux, les récits d'un Artaud ou d'un Bataille, les avancées déterminantes de la psychanalyse et les plus hautes créations esthétiques qui viennent restituer à l'Anal toute son éminente fonction dans le circuit énergétique vivant de la réalité humaine.