Décolonisation, le mot lui-même est trompeur. Comme si l'Europe avait un beau jour décidé de rendre à leur destin les peuples quelle avait soumis. Comme si, après avoir expérimenté une forme aussi radicale de domination, on pouvait revenir à une fantasmatique pureté initiale. Comme si ce processus historique majeur n'était pas l'aboutissement d'une révolte ininterrompue qui durant plus d'un siècle a couru de l'Inde au Sénégal, de l'Algérie au Vietnam, du Kenya au Congo. Comme si ce n'était pas cela le principe moteur : insoumission, rébellion, insurrection. Une infinité de paroles et d'actions qui ont fini par forcer les hommes et les femmes venus d'au-delà des mers à rentrer chez eux. Raconter l'histoire à l'endroit, donc. Du point de vue de ses acteurs principaux : les peuples qui se libèrent. Dire la révolte, ce souffle qui se répand. Cette énergie farouche qui, sans cesse, se dissipe et se reconstitue. Ce phénix qui ne meurt ici que pour renaître là-bas.