Ce livre, d'exploration, entend moins produire une philosophie de l'art
contemporain que se tenir dans l'entre-deux de l'art et de la philosophie : entre
une philosophie contemporaine de l'art contemporain et un art contemporain de la
philosophie contemporaine.
L'art contemporain ainsi doublement visé n'est pas affaire de condition
philosophique, puisqu'il renvoie bien plutôt aux modalités selon lesquelles
nous pouvons nous faire philosophiquement les contemporains d'oeuvres par
nature problématiques se rangeant mal sous les catégories (d'origine romantique)
de l'esthétique.
Cette discontinuité déployée en synthèse disjonctive de l'art contemporain
dans un défaire l'image esthétique de l'art est appréhendée, non pas d'après mais
après Deleuze et Guattari, sous l'idée de régime, d'agencement ou de « pensée
diagrammatique ». Indissociable du déplacement de l'analyse à partir des
oeuvres et des pratiques (de création et de réception) qu'elles promeuvent en
impulsant une nouvelle configuration à la fois processuelle et post-conceptuelle
de l'art, la recherche donne lieu à une multiplicité d'essais proposant autant
d'expériences de pensée par l'art contemporain pour en produire l'analyse dans
une double perspective, généalogique et archéologique.
Matisse et Duchamp - la Pensée-Matisse et la Pensée-Duchamp - sont ainsi
mis en tension d'un champ de forces « rechargé », depuis les années 1960, par
les options micropolitiques dont relève la problématisation critique et clinique
de l'art. Le mode d'emploi passe par Daniel Buren, Gordon Matta-Clark et
Günter Brus, mais c'est la lignée brésilienne qui ouvre (avec la contre-
installation du Leviathan Toth d'Ernesto Neto au Panthéon) et clôt (dans la
« Boîte » de Hélio Oiticica) ce livre sans équivalent.
Singulier et pluriel, introductif et spéculatif, il donne matière aux études
de cas d'un art-pensée qui ne fait qu'un avec la construction continuée du
concept même d'art contemporain.