Quelle nuit tranquille ! Loin du vacarme du monde. Nos petits villages là dehors, où on compte les habitants pour s'endormir. Nous sommes déjà fin juillet. Dans quelques jours, ces pentes seront d'une blancheur étonnante. D'un blanc de neige jusqu'à la mer Toute la région frémira de la fièvre du jasmin. Et le monde entier saura que nous existons.
Puis ce sera la cueillette. Et nous voilà partis jusqu'en octobre.
J'entends déjà les chants des Italiens. Ils ont passé la frontière exprès pour la cueillette. (.) Bientôt, tout le monde va patauger dans la terre humide et se mettre à cueillir.
Le jour se lèvera sur tout ce monde et le soleil va cogner sur toutes ces épaules et sur toutes ces nuques. Jusqu'à la pause où tout le monde cherchera un arbre.
Et dire que cette année, je ne verrai pas ça.
Avec tout ce qui se passe dans le monde, il faut qu'ici, dans notre petit coin tranquille, on vienne me chercher, moi !
Oh je ne suis pas le seul dans ce cas. Demain, nous serons plusieurs à rater le début de la cueillette.
Ça m'inquiète un peu tout de même, bon... Tout le monde le dit : c'est l'histoire de quelques semaines. Au pire, en octobre, on est de retour. Mais c'est tout de même incroyable que sur notre petit bout de terre, si éloigné du monde, on vienne nous chercher, nous.
C'est si loin tout ça. En quoi ça nous regarde ?
Demain vite !
- Il se dit futurologue et vante les mérites de la société moderne tout en préparant sa valise. Il ne doute pas un instant que les nouvelles technologies qui pointent le bout du nez vont permettre à tous de voyager partout dans le monde sur des rails, dans l'eau et dans les airs. Un optimisme débordant qui contraste quelque peu avec d'autres événements que l'on pressent en ce début de l'été 1914.
Des bras comme des ailes
- Dans sa tenue militaire boueuse et tachée de sang, il se réveille en sentant la présence de visiteurs et nous raconte son histoire, lui qui portait les nouvelles vers le front : souvent mauvaises, parfois excellentes comme en ce matin de novembre 1918.