«Il y a ici tout ensemble une pensée et une tenue, l'une et l'autre accidentées et blessées selon ce qu'aujourd'hui sont le monde et le poème (...) : il suffit qu'il y ait là pensée, poème de pensée et de pesée sur la pensée d'une difficulté (celle d'un monde abîmé, de la guerre et aussi des trous qu'elle a faits dans les hommes et dans la poésie) (...) pour écarter sans hésiter ce reproche de surréalisme qu'on a pu faire à Beck. (...) "Surréalisme" implique (au moins souvent) une magie verbale produisant un insensé suressentiel et sursensé : ici au contraire, aucune magie, mais plutôt un pilonnement, un concassement de mots maniés très délibérément et récités de même, le plus souvent en un staccato serré qui enchaîne le discontinu tout en le préservant recitativo sacco (...) Car il y a de l'idiome (...) dans ce maniement de langue, dans son malmènement, dans son calcul et dans son toucher crissant, piquant, poissant ou floconneux. De l'idiome : du sens qui serait pour un seul - mais si c'est du sens, c'est pour un autre quand même.»
Jean-Luc Nancy