Ces lettres adressées aux amis les plus proches, à la famille, à quelques figures intellectuelles comme August Strindberg, sont à lire en regard des dernières oeuvres de Nietzsche, Ecce Homo notamment, et la masse des fragments posthumes datés de ces années. Un homme de plus en plus solitaire, voué à l'errance, s'attelle à une tâche démesurée qui lui paraît être la seule suite possible de son oeuvre. Penseur devenu itinérant, ayant quitté l'Allemagne depuis plusieurs années, Nietzsche parle de ce que signifie pour lui le changement de lieu (Sils-Maria, Nice, Turin). Le déplacement devient une des conditions de la pensée elle-même, l'occasion d'une grande mutation du regard. Il s'insurge contre le nationalisme et l'antisémitisme allemands et cherche à définir les conditions d'une grande politique. Expérience d'une pensée qui se veut à la hauteur de l'histoire, trajectoire interrompue par ce qu'on appelle l'effondrement à Turin dans les premiers jours de 1889. (Jean-Michel Rey)