Durant les deux derniers siècles, l'étude du cerveau de personnalités
d'exception a constitué un élément peu apprécié
mais bien établi de la recherche neurologique. Aujourd'hui
aucun spécialiste du cerveau, digne de ce nom, n'irait prétendre sérieusement
avoir identifié le lieu où se situe le génie. Cependant, le
cerveau génial reste encore un objet de recherche pertinent et fascinant.
À quoi tient cette fascination ? Quelle valeur a cette entreprise de
recherche dans l'histoire de l'homo cerebralis, dans la construction
cérébrale de l'homme moderne ? Peut-on tracer une ligne de continuité
entre cette histoire et les développements actuels des sciences neurologiques
et cognitives ?
Pour répondre à ces questions, Michael Hagner montre que, depuis
le XIXe siècle, le cerveau est devenu un objet chargé d'une signification
à la fois psychologique et morale, culturelle et sociale, économique et
politique. Son essai va donc bien au-delà d'une simple préhistoire des
neurosciences actuelles : il nous apprend que l'éternelle discussion sur
les cerveaux d'élite et sur la localisation de certains talents tient moins
à l'anatomie d'un organe fascinant qu'au fonctionnement des sociétés
modernes, celles qui ont choisi ces cerveaux pour en faire des objets à la
fois scientifiques et culturels.