«Chaque philosophe de l'histoire n'a fait que transformer le monde de diverses manières ; or il importe de l'épargner.» Ce détournement de la célèbre thèse de Marx ouvre ce recueil d'essais d'Odo Marquard, l'un des plus originaux philosophes allemands de l'après-guerre. Son style brillamment aphoristique et caustique ainsi que sa capacité à formuler et résoudre les problèmes philosophiques à la manière des philosophes classiques ont fait de lui un auteur reconnu des spécialistes, mais aussi du grand public d'outre-Rhin. Dans les essais traduits ici pour la première fois en français, Odo Marquard invite le lecteur à se préparer avec lui aux «adieux à la philosophie de l'histoire» en empruntant les chemins du scepticisme et de la dialectique.
L'objet central de ces essais est la mise en cause critique de la pensée de la philosophie de l'histoire comme mode consubstantiel à l'idéalisme allemand de Kant à Hegel. Issue d'un processus de sécularisation de la vision chrétienne de l'«histoire du salut», cette philosophie de l'histoire accomplit la théodicée par l'élimination de Dieu. Ainsi est-elle le fruit du mythe de l'«Aufklärung». Est-elle donc mythe, ou bien «Aufklärung» qui réussit à émanciper l'être humain de son état de tutelle imposé par lui-même ? A travers ces questions, Odo Marquard revisite le problème de la sécularisation qui a marqué les plus importants débats philosophiques allemands, notamment celui qui opposa Karl Löwith et Hans Blumenberg.