Il faut réformer l'État : ce mot d'ordre rencontre un large écho en Allemagne, où l'unification coïncide avec la diffusion de discours modernisateurs portés par une coalition d'experts issus du champ académique, de fondations et d'agences de conseil. Ils puisent à la fois dans le New Public Management et la « bonne » gouvernance, dont ils reprennent les slogans – efficience, performance, transparence, proximité – et s'approprient les outils – contractualisation, budgétisation, contrôle de gestion, etc. Les nouveaux Länder offrent a priori un terreau propice à l'expérimentation de ces préceptes, en raison des défaillances communément imputées à la bureaucratie postcommuniste. Peu de travaux s'intéressent néanmoins aux modalités concrètes de leur circulation, qui demeurent relativement obscures. Elles constituent l'objet de ce livre, qui s'appuie sur une enquête dans le Land de Saxe pour appréhender les différentes formes d'articulation entre la production des doctrines modernisatrices et la fabrique des réformes. Il montre que la modernisation de l'État relève d'une activité technico-bureaucratique, où les emprunts doctrinaux se résument à une sélection d'instruments gestionnaires, et répond à une logique d'économicisation, où la réduction des dépenses publiques tient lieu de programme de réforme. Le transfert d'Ouest en Est représente un autre trait saillant de la circulation des doctrines modernisatrices dans l'Allemagne unifiée. Elle repose en effet sur une importation d'experts, de savoirs et de pratiques, qui caractérise plus généralement le processus de transformation dans les nouveaux Länder. Contrairement aux attentes des cercles réformateurs ouest-allemands, ceux-ci témoignent toutefois d'une faible réceptivité aux doctrines modernisatrices, à l'instar de l'ensemble de l'espace postcommuniste.