Un jour que Cicéron voulait consoler son frère Quintus, qui gémissait de rester si longtemps maintenu dans son gouvernement d’Asie, il le félicitait du moins de n’avoir pas été envoyé chez des peuples « barbares et sauvages » comme les Espagnols, les Africains ou les Gaulois. Il ne se doutait guère, en écrivant ces mots, que c’était dans cette Gaule inculte, dans les montagnes de Bibracte ou sur les bords du fleuve Océan, qu’il trouverait quatre siècles plus tard ses plus fidèles imitateurs. C’est pourtant ce qui est arrivé... Lorsque l’on étudie l’histoire de la littérature latine et les six siècles de son existence, on reconnaît en cette longue période de vie quatre âges successifs correspondant à chacune des grandes nations qui composèrent l’empire d’Occident. On voit le sceptre littéraire passer tour à tour de l’Italie à l’Espagne, de l’Espagne à l’Afrique et de l’Afrique à la Gaule : c’est l’ordre même suivant lequel s’est fondé le domaine occidental de la ville éternelle. On dirait qu’au toucher de l’épée romaine le sol jusqu’alors le plus infertile se transforme en une terre féconde, où peuvent désormais germer et s’épanouir les lettres comme les arts. Puis un jour vient où, par un juste retour, chacun des peuples conquis rend à son conquérant ce qu’il en a reçu. Quand l’Italie est épuisée, les races vaincues apportent à l’empire leur contingent d’orateurs, de jurisconsultes et de poètes, de généraux et d’empereurs : Rome prélève sur elles du génie, de même que des tributs et des soldats...