Des pauvres à la bibliothèque
L'image de l'analphabétisme ou de l'inculture est souvent associée à la pauvreté. Il peut sembler aller de soi que les pauvres sont peu disposés à fréquenter les bibliothèques ; il leur manquerait les ressources élémentaires pour se fondre dans un espace destiné au savoir et à la culture. Pourtant, ils sont présents dans les bibliothèques publiques et souvent beaucoup plus qu'on ne l'imagine. Ce constat prend la forme d'une énigme. Comment expliquer qu'ils les fréquentent alors que tout paraît les condamner d'avance à y tenir une place marginale, à y être dévalorisés socialement ?
En se fondant sur une enquête qualitative (observations, entretiens approfondis) réalisée à la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou à Paris, ce livre permet d'établir une correspondance entre les trois phases de la disqualification sociale (fragilité, dépendance et rupture) et des usages spécifiques de la bibliothèque correspondant à des attentes particulières, des relations contrastées avec les autres usagers et un rapport aux normes de la bibliothèque lui aussi différencié. Fréquenter une bibliothèque est pour les pauvres un moyen de constituer et de renforcer leurs liens sociaux et, par là-même, de conjurer le processus de disqualification sociale.