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Comment réagirent les populations civiles lors de la Première Guerre quand ils se trouvèrent, souvent pour la première fois, face à des noirs ?
La France fut le seul pays belligérant à engager des soldats noirs sur le front européen au cours de la première guerre mondiale. L’idéal universaliste de la République coloniale souvent invoqué fut-il un simple alibi idéologique destiné à justifier l’impérialisme ? Comment réagirent les populations civiles qui se trouvèrent souvent pour la première fois face à des noirs en chair et en os ?
Cet essai d'histoire mondiale présente quelles répercussions eut ce brassage de populations sur la hiérarchie des races en vigueur à l’époque en France, mais aussi dans l’Empire britannique, toujours attaché à la suprématie blanche, aux Etats-Unis, où régnait la ségrégation, ou dans l’Allemagne vaincue, qui ressentit l’occupation de la Rhénanie par des troupes noires comme la transgression ultime ?
EXTRAIT
Même s’ils étaient encore engagés exclusivement en Afrique, où d’autres puissances coloniales utilisaient aussi des troupes de couleur, l’attitude française à l’égard des Africains et des soldats africains était exceptionnelle. A l’étranger, et en particulier en Allemagne, on observait l’engagement de soldats africains avec méfiance et inquiétude. Tandis qu’en 1899 les Parisiens applaudissaient les tirailleurs sénégalais, Houston Stewart Chamberlain publiait en Allemagne le best-seller de l’année, La genèse du XIXe siècle, où il présentait l’histoire européenne comme une guerre des races et annonçait le déclin imminent de la race aryenne sous l’effet du métissage. Ce livre fit une telle impression sur l’empereur Guillaume II qu’il le fit distribuer dans son armée. Dans les autres capitales impériales, c’était surtout la séduction exercée par les soldats « de bois d’ébène » sur les femmes blanches qui avait irrité les hommes. Lors du couronnement de George V en 1910, les soldats noirs des armées coloniales ne purent assister à la cérémonie parce que, lors du couronnement de son père, huit ans plus tôt, les femmes britanniques « de toutes les classes » leur avaient réservé une attention particulière3. Dans le monde germanophone, les Africains exerçaient aussi une grande séduction sur « certaines femmes ». Un journaliste allemand rapporta en 1910, dans un article intitulé « Absence de conscience raciale », que des centaines de jeunes filles s’étaient bousculées à la gare, autour des tirailleurs sénégalais qui rentraient chez eux après une excursion à Berlin : « On assistait à des scènes pénibles où des jeunes filles se pressaient autour des noirs et leur faisaient des adieux passionnés. (…) Devant un comportement aussi irresponsable, nous ne pouvons qu’exprimer notre profonde tristesse et l’espoir qu’à la longue il sera possible de remplacer ces inclinations perverses par un état d’esprit sain et patriotique ».
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Plus novatrice est l'approche globale de ce sujet que justifie pleinement le sous-titre de sa traduction française. Plongeant dans un fonds documentaire multinational, Dick van Galen Last rédige un essai d'histoire mondiale. Les comparaisons qu'il souligne sont étonnantes. - Yves Paris, Babelio
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dick van Galen Last (1952-2010) a étudié l’histoire à l’Université d’Amsterdam et travaillait depuis 1977 au NIOD.