Cet essai, bâti à partir des sept premiers romans de Tierno
Monénembo, entreprend une mise en relief des stratégies narratives au-delà
d'une simple technicité scripturale. Chez cet auteur, il y a bien un
projet romanesque inscrit dans la dynamique des nouvelles
thématiques du roman africain. Son roman n'est pas neutre face aux
monstres politiques et sociaux et tourne aussi en dérision ces peuples
confiant leur destin et leur gestion sur la foi d'un simple sourire ou du
bagout de l'homme politique. Cette démarche convoque ainsi une
écriture de l'excès qui convertit le paradigme du réalisme cru du roman
africain en un paradigme de l'hyperréalisme.
Le véhicule de cette thématique, relativement connue, est une
motivation quasi-maniaque de la technique convertie durablement en
une stratégie qui fait que le sens et la signification jaillissent à chaque
page, à chaque chapitre, à chaque oeuvre de cet auteur. Là réside l'un
des fondements de la beauté des textes de Monénembo. Cette pratique
n'atteint pas l'accent d'un maniérisme ouvert mais se loge dans
l'exigence d'une nouvelle pragmatique de la lecture. D'où peut-être la
présence du narrataire, d'un lecteur qui rattache Monénembo aux
grandes tendances littéraires du Nouveau Roman et du
postmodernisme littéraire.
Monénembo a une écriture novatrice à plus d'un titre. Et si son
oeuvre romanesque est le lieu d'un malaise, c'est qu'à partir des
catégories narratives conventionnelles, avec une langue frappée du
sceau de la truculence, de la parodie, du jeu, il met en place une
véritable écriture de la déconstruction, constat de la décomposition des
sociétés africaines : un univers baroque, putrescent duquel l'on attend,
sans doute, les vagissements d'un monde nouveau.