Alors que le régime de Vichy laisse mourir les « fous » dans les asiles et que les fascismes prospèrent, se déploie à Saint-Alban (Lozère), autour de François Tosquelles, une expérience absolument originale, qu’on appelle psychothérapie institutionnelle : une pratique indissociablement clinique et politique forgée pour nous garder de toutes les forces « concentrationnaires », par nature aliénantes, et défendre la dimension humaine de la folie.
Ce livre passionnant retrace l’histoire intellectuelle du groupe de médecins, psychiatres et penseurs rassemblés dans ce projet par leur insatisfaction vis-à-vis de la psychiatrie dominante et leurs convictions politiques, de l’antifascisme à l’anticolonialisme. De façon très originale, il s’arrête sur quatre de ses figures essentielles : François Tosquelles, Frantz Fanon, Félix Guattari et Michel Foucault, pour explorer la conversation, pas toujours repérable, qui s’est développée entre eux. Il retrace aussi les expériences de ce champ qui n’a cessé de se réinventer, et montre les influences réciproques que celui-ci a tissées avec la psychanalyse, la sociologie, la philosophie, l’art...
En déterritorialisant la psychiatrie, la psychothérapie institutionnelle a montré la puissance de l’inconscient en politique, et ce livre stimulant éveille d’autres imaginaires dans ce domaine.
Camille Robcis, spécialiste en histoire intellectuelle et politique française, enseigne à l’université de Columbia. Elle a déjà publié La Loi de la parenté. La famille, les experts et la République (Fahrenheit, 2016).