Imaginez une cité-jardin résidentielle offrant des conditions exceptionnelles
à des couples choisis qui s'engagent sur un contrat de
procréation... Localisée au pied du Parlement européen à Strasbourg, cette
expérimentation grandeur nature dura des années 1920 aux années 1980
grâce au soutien des pouvoirs publics.
Synthèse de l'eugénisme britannique, allemand et français, ce projet
visait à «accélérer l'évolution de l'espèce humaine». Le créateur de ce
«laboratoire humain», Alfred Dachert, était un homme d'affaires qui se
rêvait en poète tragique de l'eugénisme, en Ibsen alsacien.
Paul-André Rosental explore cette entreprise politique et scientifique
en se fondant sur des archives inédites. En expliquant l'énigmatique
longévité de l'expérience, l'auteur réinterprète les grandes politiques
républicaines de l'après-guerre, de la Sécurité sociale à la démocratisation
scolaire.
Dans cet essai pionnier de microhistoire politique de la France
contemporaine, Paul-André Rosental prend la mesure de l'héritage de
l'eugénisme, idéologie scientiste et inégalitaire, en contexte démocratique.
L'eugénisme ne constitue pas seulement une théorie biologique qui
hante les débats bioéthiques. De manière inattendue, il se révèle comme
une théorie morale ayant pu imprégner cette norme de notre temps qui a
pour nom «psychologie du développement personnel».