(...) Des jours durant j'ai tant joué Bach et Brahms
dans la chapelle du cimetière, que je commençai
à voir les morts, je savais que je ne devais pas m'arrêter,
que si l'archet s'interrompait tout serait perdu,
mais leurs visages venaient me trouver, leurs lèvres
remuaient sans bruit, comment aurais-je pu renoncer
et comme ma pâleur est plus intense que la leur -
perles sur velours noir,
la couronne de petites fleurs piquant mon front,
seuls. Bientôt nous jouerons.
Poète, romancière et traductrice, Tal Nitzán vit et travaille à Tel
Aviv. Ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues. Fervente
militante littéraire pour la paix, elle a organisé plusieurs manifestations
politico-poétiques et composé l'anthologie D'un burin de fer (Al Manar,
2013) qui rassemble 99 poèmes israéliens écrits contre l'occupation des
territoires palestiniens. Soirée ordinaire (édition bilingue hébreu-français,
Al Manar, 2011) présente un aperçu de sa poésie personnelle.
«(...) Ce n'est pas facile d'être israélienne en Israël quand on
écoute aux portes, fenêtres ouvertes. Suppose, dit Tal Nitzan, que tu
n'aies pas d'autre côté pour te reposer de la douleur... cette douleur qui
a besoin de toi et à laquelle tu dois te donner entièrement. Pourquoi,
se demande le lecteur, en parcourant ce livre pas à pas, page à page
- dont nous pourrions citer plusieurs pages - pourquoi sommes-nous
remués, remués comme remue le couteau dans la plaie. La
vieille plaie d'où nous sommes nés, étrangers sur la terre... promise.»
Yvon Le Men