Née d'un père disparu dans la shoah peu de temps avant sa naissance, l'auteure a grandi entre une mère réduite au silence et un beau-père, rescapé d'Auschwitz, aspirant à aller de l'avant. Une situation dont elle tire un récit sans dolorisme, original et bouleversant, où se mêlent histoire personnelle et grande Histoire.
Je visite tous les camps. J'accompagne mon père, mais aussi le flot sans fin de ceux qui voyagent avec lui. Que sait précisément ma mère ? Je suis trop jeune pour l'interroger. Puis, tout à coup : « Voilà ton papa ! » Mon beau-père a passé quatorze mois à Auschwitz et s'est évadé dans les premiers jours des Marches de la mort. Je nourris de mes lectures le récit qu'il fait de ses épreuves. Je plonge dans un temps de massacres ininterrompu. Mes deux pères se partagent mon enfance comme les deux corps du roi, l'un trônant en majesté dans le monde physique, l'autre alimentant par son absence mon imagination. C'est cette histoire plus vaste que la mienne à laquelle tous deux me renvoient, l'un en victime, l'autre en quasi-héros, que je fouille à nouveau alors que ma vie a pris depuis longtemps un autre cours. Les morts ne sont jamais les mêmes quand ils respirent dans la langue des vivants.