Les deux soeurs répondent par oui ou par non, presque toujours par non. Elles ne veulent pas dire à l'assistante sociale qu'il y a des mots qui doivent rester enfoncés sous la terre, ou tapis dans la fente des rochers, ou couchés sur l'écume des vagues, des mots tus et à taire, des mots qui se passent de bouche et de lèvres, qui se contrefichent d'êtres dits ou ouïs.
Les deux soeurs. Des agitatrices dont la grâce sauvage se pare de magie ? Des justicières rebelles ? Des adolescentes souveraines entre enfance et âge adulte ? Les deux soeurs ont le droit de vivre seules dans leur maison, c'est le juge qui a tranché. Leur père est reclus dans un hôpital psychiatrique, leur mère vit à New York, c'est ainsi, les deux soeurs l'acceptent, elles aiment père et mère comme ça. Elles vivent sur un rythme rapide, léger, malicieux, parfois endiablé, dans une forme d'allégresse musicale à deux temps. Près d'elles, il y a un grand arbre, des coquilles d'escargot, des fils de fer qu'elles ont délicatement suspendus dans la chambre vide de leur père, il y a aussi un amoureux qu'elles autorisent à venir jouer avec elles et une assistante sociale qui oublie joyeusement sa fonction à leur contact.