"J'ai perdu tant de temps, mais j'ai peut-être encore la
possibilité de faire quelque chose de valable", écrit
Henry Bauchau le 22 juin 1968. A les lire aujourd'hui,
ces mots peuvent étonner ou faire sourire. Il faut cependant
comprendre qu'au lendemain de La Déchirure,
le doute est accablant, et la tâche écrasante. C'est bel
et bien Le Régiment noir qui devra marquer la véritable
entrée de l'auteur dans l'ampleur de sa vocation romanesque.
Ce journal 1968-1971 en retrace le cheminement
intérieur. Depuis Montesano (l'institut d'éducation
qu'il dirige) Henry Bauchau a suivi attentivement l'effervescence
du mouvement soixante-huitard, mais
aussi son déclin qui engage profondément - en résonance
avec le roman en cours - la relation à la figure
paternelle. Cette période de sa vie est également marquée
par l'importance qu'il accorde à la peinture (alternative
éventuelle à son entreprise littéraire). Enfin,
ce journal fait place à une trentaine d'entretiens de Henry
Bauchau avec son ami le généraliste et psychiatre Robert
Dreyfuss - des conversations sur ses rêves, ses tableaux,
ses interrogations d'artiste, dont la transcription
(par l'auteur lui-même) témoigne de l'importance qu'elles
ont alors à ses yeux, et qui nous fournissent désormais
un très précieux document - en quelque sorte le compte
rendu de son travail post-analytique.