Dictées
Il arrive que de la musique dicte des poèmes plutôt que l'inverse. Le dicté (le noteur) compose ce qu'il reçoit de la musique dictante, mais elle ne sait pas ce qu'elle dicte au langage sans doute, comme une Muse basculée : elle forme un ensemble chaque fois condensé d'impressions, de pensées et d'informations. Le noteur (qui essaie d'entendre le chant des Sirènes sans plonger ou s'abîmer en mer) transcrit aussi bien la densité de la musique même, qui n'est pas retirée du monde. Chaque pièce (de Bach, Haendel, Scarlatti, Schumann, Kurtág et alii), livrant sa matière en vrai, jouée par des interprètes - des géographes manuels - est bien, en quelque façon, une réplique au monde comme il va, et le poème dicté une réponse à la réponse, une description de description, pour ainsi dire. Dans l'intervalle de la musique au poème s'esquissent des propositions graciées, des éléments de science-fiction maintenant.