D'abord écouter Picasso : «Si je connais Cézanne !
Il était mon seul et unique maître ! Vous pensez bien
que j'ai regardé ses tableaux... J'ai passé des années à les
étudier...» Ou encore : «Les Ménines, quel tableau !
Quelle réalité ! Vélasquez est le vrai peintre de la réalité.»
Picasso, toujours lui : «Si une oeuvre d'art ne peut
vivre dans le présent, il est inutile de s'y attarder.»
C'est ce «présent» que Pascal Bonafoux recompose
ici, s'appuyant sur les seuls propos et écrits des peintres.
Le résultat est une leçon pour le regard, un mode d'emploi
de la peinture inédit et décapant, qui rompt avec les
classifications de l'histoire de l'art. Où l'on voit et
saisit les peintres à l'oeuvre, étudiant les travaux des
Anciens, célébrant leurs maîtres, indifférents aux écoles
et aux mouvements, tout à leur exploration de voies
nouvelles. C'est Kandinsky, le père de l'abstraction
en arrêt devant Les Meules de Monet, Poussin décriant le
Caravage, Ingres et Renoir louant Raphaël, Balthus
copiant Piero della Francesca, Van Gogh se mesurant à
Cézanne, etc.
Car le coup de coeur et la passion opèrent en art, au
moins autant que la prouesse du geste. A l'image de
cette peinture sans cesse en mouvement, l'ouvrage se
décline en autant d'entrées : des défis aux influences, des
sujets peints aux techniques employées, des ambitions
particulières aux exigences du marché, des mythes
aux théories, la peinture s'offre ici dans tous ses états,
abrupte, sans concession et bien vivante.