On a tant parlé de Dieu que certains croient «connaître», et
nul ne les arrachera à leur certitude. Ils ont trop besoin de Lui
pour imaginer un instant que leur chemin ne soit pas le bon. Plus,
nombreux, ceux qui ont abandonné la recherche parce qu'ils n'entendent
plus le langage qu'on leur tient et que nul ne se soucie
vraiment de les rejoindre avec les mots qui sont les leurs. Le Dieu
dont on leur parle leur apparaît étranger et inaccessible.
Enfermé dans les pages d'un livre, ce Dieu sait-Il vraiment
ce qu'eux-mêmes vivent, aiment, souffrent ? N'est-il que le Dieu
d'un livre et ne peut-on pas le chercher dans ce qui fait le quotidien
de nos vies ? La naissance d'un enfant, l'amour qui s'éveille,
la parole qui réconcilie, l'homme humilié qui se relève et se tient
debout, ne disent-ils rien de Lui ? N'y a-t-il qu'un chemin pour le
rejoindre ?
Tant de questions, reprises de génération en génération, et qui
reviennent aussi sûrement que la mer à l'assaut de la plage, quand
vient l'heure de la marée, sans que nul ne puisse en endiguer le
flot ? Y aura-t-il jamais de réponse apportant avec elle la certitude
et le repos ? Mais peut-être que Dieu est, dans nos vies, cette
question toujours ouverte et qui doit le demeurer ?
«Dieu dure avec le monde, écrivait naguère le dominicain
P. Duployé, et il se dit lentement. (...) Dieu est lent avec nous,
comme il l'a été avec le monde. Ce sont les arbres et leur maturation
lente qui sont les premiers maîtres de l'existence humaine.
Nous grandissons lentement avec Dieu qui ne nous dit pas tout
d'un seul coup. Avec chacun d'entre nous, Dieu recommence un
apprentissage de la vie».
Refaire le chemin, une fois encore. Avec les moyens du bord.
Ce que l'on sait et ce que l'on ignore, en ouvrant les yeux, en les
fermant parfois, attentif à ce qui fait signe, à ce qui pourrait être
Lui, sans se presser à Le reconnaître, à Le nommer ? Peut-être
vient-il à nous lentement, dans les premières lueurs de l'aube, tandis
que la sève monte dans l'arbre ?
René Luneau