«Dans les sociétés dites "multiculturelles" pour insister
sur la diversité des communautés qui les composent,
la question cruciale est celle d'un monde commun aux
hommes. Monde commun de sens, qui ne peut advenir
que si tous apprennent à transcender les différences
communautaristes, non pour les nier, mais pour les
vivre en les relativisant. La paix laïque, là où elle a pu
advenir, a quelque chose d'exemplaire. Pari simultané
sur la raison des hommes et la liberté des individus,
elle pourrait bien être l'espoir du XXIe siècle. Mais la
voie qu'elle dessine est aussi difficile qu'exigeante :
c'est qu'elle refuse à la fois l'invocation abstraite de
l'universel et l'enfermement dans un particularisme.
L'idée révolutionnaire de nation, affranchie de toute
équivoque nationaliste, assure la médiation entre la
réalité singulière d'un lieu, d'une histoire, d'un territoire,
et l'universalité critique des principes qui peuvent valoir
pour toute l'humanité. C'est cette médiation qui est
exemplaire, en ce qu'elle conçoit la dynamique d'une
universalisation où la raison laïque concilie l'enracinement
et la volonté politique.»