On réalise aujourd'hui des entretiens de la même
manière qu'il y a cinquante ans. Dispositif empirique
caractérisé par une attitude et des interventions
de l'interviewer qui s'ajustent pragmatiquement au
discours de l'interviewé, l'entretien ne satisfait pas aux
critères minimaux qui définissent un outil scientifique :
aucune variable n'est véritablement contrôlée.
Pour comprendre les mécanismes interlocutoires qui
président à la construction du discours, mettre en relief
les effets de distorsion de cette technique et, à terme,
se donner les moyens de les contrôler, nous avons
analysé des séquences d'interactions verbales, dégagé
les concepts et les variables linguistiques pertinents et
procédé à des expérimentations systématiques.
Au terme de ce travail, chaque type de relance apparaît
comme porteur d'actes de langage (de compréhension,
évaluation, inquisition, etc.) auxquels l'interviewé
répond par des stratégies discursives complexes :
interviewer et interviewé construisent ensemble,
souvent à leur insu, les univers référentiels de leur
discours.
Cet ouvrage décrit et analyse le processus de
construction du «dire» dans l'entretien : il peut
contribuer à renouveler la pratique d'un outil
aujourd'hui largement utilisé dans de nombreux
domaines des sciences humaines et sociales.