Dix millions nous donne à entendre la voix solitaire d'un enfant devenu grand qui essaie de se souvenir. L'écriture cherche désespérément, à travers l'articulation de plusieurs voix (l'enfant, son père, sa mère et sa grand-mère) - à comprendre ce qu'ont été les Cubains en 1970, l'année des dix millions de tonnes, objectif fixé à la récolte de canne à sucre. C'est donc une histoire politique que l'auteur met en regard de souvenirs biographiques.
Ce jeune enfant est alors le double de l'auteur qui essaie de se souvenir comment il s'est construit, né du couple improbable et éphémère d'une mère révolutionnaire autoritaire et d'un père reclus sur sa nostalgie. Les parents se sépareront et partiront chacun de leur côté. L'enfant restera dans l'île. Son homosexualité, enfouie en lui, oscille entre l'angoisse et la profonde conviction de devoir être différent pour survivre, puis pour se réaliser à travers le monde, à travers le théâtre.
Le prisme de la mémoire façonne l'identité du garçon, dépliant telle une sculpture d'origami ce qui pourrait être le témoin du temps qui n'existe vraiment jamais au présent.